Parti d’un simple kit cadre, je viens enfin de terminer le montage de mon vélo de voyage tout-terrain. Une petite présentation du vélo et des composants retenus sera l’occasion de commenter le défi de monter un vélo de voyage en 2022.
Depuis mes premiers essais de cyclo-tourisme, j’ai roulé avec un vélo Orbit trouvé sur Leboncoin : un vélo de voyage typique des années 90, qui m’a donné beaucoup de joies et fait découvrir des paysages et cultures au-delà de tout ce que j’avais connu par le passé. Avec lui, j’ai roulé au pas de ma porte et au bout du monde, j’ai emprunté routes bitumées et chemins cahoteux, j’ai appris la mécanique, et j’ai fait plus récemment mes débuts de VTT.
Mais à présent que ma trace se dessine plus résolument sur les chemins de terre (pour des voyages que je souhaite toujours plus enivrants, et pour l’aspect ludique du tout-terrain), j’ai décidé pour une fois de dépenser de l’argent pour mon plaisir (c’est plus sympa que pour le gasoil), et de m’équiper d’un engin proprement adapté à ma pratique du vélo.
Seulement nous sommes en 2022 (et même, nous étions en 2021 quand cette histoire a commencé). Entre le Covid et les nouveaux standards, composer ce vélo n’aura pas été une mince affaire.
Se monter un vélo à la carte, notamment un vélo de voyage, ce n’est d’ailleurs jamais une mince affaire. Il s’agit de formuler beaucoup de choix, et jongler avec beaucoup de contraintes.
Le voyage à vélo demeurant une pratique beaucoup moins répandue que le peloton, le VTT, ou même que le vélo-taf, l’industrie du vélo lui porte un intérêt bien moindre. Les nouveaux standards ne correspondent souvent pas aux priorités du voyageur, et les options adaptées offrent peu de variantes. Ajoutez à cela une pénurie de plus en plus marquée des composants, et puis encore le Brexit, vous aboutissez à un véritable casse-tête. Il aura fallu faire des concessions, trouver des alternatives, et même quelques solutions temporaires.
Le projet est né des limites de mon vieux vélo pour deux activités auxquelles je voulais m’adonner davantage.
Au quotidien, il s’agissait de disposer d’une monture plus apte à m’emmener sur des sentiers de VTT potentiellement un peu techniques. Pour ça je cherchais davantage de stabilité, d’accroche, d’amorti, et des freins à disques (marre de limer mes patins et jantes dans la gadoue !).
Dans l’optique du voyage, je voulais un vélo robuste, confortable et réparable, qui me permette de m’aventurer toujours plus loin de l’asphalte.
J’avais en ligne de mire de gros pneus capables de rouler sur des sentiers sableux ou d’absorber les chocs de la caillasse, et je voulais dans une moindre mesure retrouver les caractéristiques de stabilité et de freinage que je cherchais pour le VTT pratiqué en loisir. Et bien sûr, je voulais retrouver certaines caractéristiques que m’offraient déjà mon autre vélo : réparabilité et compatibilité (encore que j’aie revu cette exigence à la baisse, pour un vélo que je ne destine pas à des voyages de très longue durée), et la possibilité de le charger de provisions et de mon matériel de camping sans qu’il rompe ni que sa maniabilité en souffre outre-mesure.
D’où l’idée d’un VTT de voyage.
De façon plus générale, je voulais aussi un vélo qui ne se trouve pas trop vite frappé d’obsolescence (taille des roues, types d’axes, etc.). La possibilité de monter un moyeu Rohloff me tentait bien également. (Bien que pour des questions de budget, il est probable que je ne le fasse jamais…)
Vélo - de voyage - tout-terrain.
Il faudrait presque un nouvel acronyme pour ça. “VVTT” ? “V2T2” peut-être ?
Il ne s’agit pas d’une catégorie nouvelle, mais avec l’avènement du bikepacking – et donc l’aspiration de nombreux voyageurs à s’éloigner du tarmac – de plus en plus de vélos sont développés dans l’optique de trimbaler sur pistes et sentiers son matériel de bivouac, pour explorer encore plus en profondeur les campagnes et les coins préservés de ce monde.
Les Breezer Thunder, Kona Unit X et Bombtrack Beyond+ étaient trois candidats potentiels
S’il s’en était trouvé un pour répondre parfaitement à mes critères, j’aurais sans doute acheté un vélo complet. Il s’agit généralement d’une formule plus économique que de réunir un à un les composants. Mais pointilleux comme je suis, aucun montage d’usine ne me convenait jamais ; et puis le jeu de composer soi-même le vélo de ses rêves (avec quand-même une contrainte de budget) n’était pas pour déplaire à un esprit tortueux comme le mien.
À la lumière des critères énoncés ci-dessus, plusieurs modèles pouvaient convenir. La plupart cependant mettaient l’accent sur l’aspect sportif plutôt que sur les caractéristiques propices à l’itinérance. Ne brillant pas par mes compétences de vététiste, et ayant l’intention d’emporter un pesant barda avec moi, j’ai établi une seconde sélection au regard d’une caractéristique de géométrie méconnue : le “wheel flop” (tellement méconnue qu’on n’a pas vraiment de mot en français pour la désigner).
Cette mesure un peu abstraite indique notamment la tendance d’un vélo à perdre sa maniabilité lorsque la fourche est chargée. Les caractéristiques typiques des VTT modernes ont tendance à augmenter le flop. Pour éviter cet écueil, il est préférable de retenir un angle de direction modérément incliné, et de maximiser dans le même temps le déport de la fourche. Dans la mesure où je porte l’essentiel de mes bagages à l’avant, je tenais à ce paramètre.
Les géométries comparées de mon vieux compagnon (en noir) et de mon nouveau VTT. Gros changement !
Avec ce nouveau critère plus sélectif, deux vélos retenaient plus particulièrement mon attention : le Big Bro de chez Brother Cycles, et le ECR de la célèbre marque Surly.
Le ECR avait pour lui des interfaces de freins positionnées sur les bases, plus propices au montage d’un porte-bagages arrière. C’était aussi un vélo (relativement) répandu, qui avait eu l’occasion de faire ses preuves. Il bénéficiait à mes yeux de toute la confiance que j’accorde à Surly.
Le Big Bro quant à lui affichait un wheel flop encore plus réduit. Il permettait un double montage avec des roues de 27,5×3” ou de 29×2,25”, qui pouvait accommoder différents usages et projets. Ceux qui avaient roulé avec s’accordaient sur le plaisir qu’il leur avait procuré. De surcroît, bien que commercialisé avec une fourche rigide, il offrait la possibilité de monter une fourche suspendue, pour d’éventuelles évolutions ultérieures.
Surly ECR ou Brother Big Bro ?
J’hésitais, j’hésitais. (J’avais le temps d’hésiter, les deux stocks étaient épuisés pour 2021.) Et puis Surly a annoncé l’arrêt de la production des ECR. La question était réglée.
Fin août dernier, Brother Cycles annonçait enfin la mise en pré-vente du millésime 2021 de son Big Bro. Perdant encore une semaine à tergiverser, je commandais finalement le dernier cadre. Ouf ! Ils sont partis comme des petits pains.
Je réglais en Livres Sterling (avec ce que ça implique de frais de conversion). Brexit oblige, je priais que les taxes d’importations ne salent pas trop la facture : j’avais bien du mal à savoir combien elles représenteraient.
En fait je me demandais même si j’allais jamais recevoir le vélo : est-ce que cette commande individuelle passerait la frontière ? Est-ce qu’il me faudrait aller chercher le vélo dans un poste de douane ? Est-ce que les taxes d’importations pourraient être telles que je doive renoncer ? Dans le doute, je préférais attendre de recevoir le cadre avant de commander les composants.
Les cadres n’étaient pas encore produits. Comme pour un très grand nombre de vélos, ça allait se faire à Taïwan.
Livraison prévue pour novembre 2021, trois mois plus tard. Ok, c’est le jeu. Mais dans le contexte de la crise sanitaire, de retard en retard, je n’aurai finalement reçu le cadre qu’en février 2022 (soit après six mois d’attente), avec des taxes d’importation supérieures à ce que je pensais.
Pas un très bon plan côté finances, donc, mais j’allais enfin pouvoir attaquer le montage. Un nouveau défi, en cette époque incertaine, que j’ai détaillé dans cet autre billet…
Après cinq ans passés au Proche-Orient et en Amérique Centrale, ma belle et moi sommes venus au vélo par intérêt pour le voyage. D’abord un tour en notre Bretagne natale, puis quelques équipées sur des terrains plus relevés, et bientôt nous partions pour six mois de route entre Asie du Sud-Est et Asie Centrale.
Il m’est difficile à présent de concevoir un voyage sur un autre mode ; et pour toutes nos vacances ou presque, ainsi qu’un certain nombre de nos week-ends, nous chargeons le matériel de camping pour une échappée vélocipédique au grand air.
Informaticien à mes heures perdues, je suis également le développeur-éditeur-modérateur-dictateur de ce site, et du planificateur de voyages Talaria.
Combien de temps s'est-il ecoulé entre l'expedition et la réception ?
Désolé pour ces question, mais j'ai moi-même pré-commandé un Mehteh, et je souhaite savoir à quoi m'attendre :).
Quand j'ai reçu le vélo, le livreur m'a remis une facture non détaillée de 200€, et m'a tendu un terminal de payement par carte. En plus du cadre, j'avais commandé des pattes de rechange, mais je ne comprends pas bien comment le montant a été obtenu.
J'ignore aussi à quelle date le colis a quitté l'Angleterre, mais il me semble l'avoir reçu environ une semaine après que Brother avait annoncé avoir réceptionné ses vélos de Taïwan.
Bref, tout demeure très flou.
Je crois qu'il aurait été plus intéressant au final de passer par un distributeur français.
Mais la pilule est avalée maintenant, et je me sens surtout très emballé par mon nouveau vélo, qui répond très bien à mes attentes.
Je ne doute pas que ton Mehteh sera une super bécane aussi. Courage pour cette insoutenable attente ! ;)
Le Mehteh a déjà accumulé les retards de mon côté, puisque le porte-conteneur n'est pas encore arrivé au RU.
J'ai vraiment hâte de monter cette bécane, toutes les autres pièces sont déjà prêtes. Brother Cycles semble faire des vélos vraiment bien fichus !