Voyager au long cours avec des commandes de gravel : état des lieux

Voyager au long cours avec des commandes de gravel : état des lieux
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Pour les longues expéditions à vélo, le choix de la transmission et des freins répond à des besoins spécifiques. Alors que le VTT offre des options adaptées, les groupes de route et de gravel ne fournissent souvent pas les braquets adéquats, et ont recours à des technologies dont la maintenance est délicate. Explorons les alternatives…

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Dans l’optique du voyage au long cours, on équipe typiquement son vélo en prenant garde à deux points essentiels :

  • disposer de petits braquets, pour pouvoir mouliner dans les côtes
  • pouvoir compter sur du matériel à la fois fiable et facile à entretenir, à réparer, ou même à remplacer. (Ce qui exclut plus ou moins les systèmes électroniques et hydrauliques.)

Quand on roule sur un vélo de la famille des VTT/VTC, pas trop de soucis. (Surtout si on choisit soi-même le montage de son vélo.) Nombre d’équipements prévus pour ces engins apportent des réponses satisfaisantes aux préoccupations énoncées ci-dessus. Les transmissions VTT permettent de mouliner, et on n’a pas trop de mal à trouver des systèmes de freins actionnés par câbles.

Avec un vélo de route ou un gravel en revanche, il est plus difficile de trouver du matériel adapté. Pour ainsi dire, il n’en existe pas… Et il faut se résoudre à quelques concessions, ou à des bricolages, ou même aux deux !

C’est pourquoi un petit passage en revue de ces solutions pourra aider à s’y retrouver.
Les pros de la récup’ disposeront de quelques possibilités supplémentaires, mais on se concentrera ici sur le matériel encore fabriqué et commercialisé à ce jour.

Les transmissions modernes

Il y a encore quelques années, avant l’avènement du gravel, aucun fabricant ne proposait de transmissions route qui permettent de mouliner à la mesure des besoins des grands voyageurs.
Fort heureusement le succès rencontré par cet hybride entre le vélo de route et le VTT a incité les leaders du marché à proposer de nouvelles gammes de produits, dont les dernières itérations se prêtent assez bien à la grande itinérance.

Ainsi les nouveaux groupes Shimano GRX ou SRAM Apex permettent le montage des très grandes cassettes de VTT (pouvant compter jusqu’à 52 dents au grand pignon), pour réduire les rapports de démultiplication entre la cassette et le plateau. Les pédaliers spécifiques au gravel sont encore un peu grands pour les besoins du voyage (souvent 40 dents en mono-plateau, contre 30 dents sur les pédaliers de VTT), mais avec ces combinaisons on arrive enfin à des braquets raisonnables.

Hélas, si cet aspect des nouvelles transmissions est plutôt favorable, la tendance est au matériel électronique. On le voit se généraliser dans le matériel haut de gamme, et se répandre progressivement vers le milieu de gamme.

Les transmissions Shimano dernier cri embarquent des technologies peu adaptées aux grands voyages

Bien que d’une fiabilité tout à fait satisfaisante pour de courtes pérégrinations – et outre qu’ils coûtent particulièrement cher – ces équipements ne permettent pas, sur de plus longues équipées, de se dépatouiller façon MacGyver en cas de panne.
Cependant les fabricants proposent encore à ce jour, dans toutes les gammes, des alternatives mécaniques, qui conviennent mieux à l’usage qui nous intéresse ici. (Mais pour combien de temps encore ?)

La question du freinage est plus contraignante. Non seulement le freinage sur jantes a d’emblée été exclu des composants de gravel, mais en outre la formule de freins à disques systématiquement retenue est celle des systèmes hydrauliques, qui peuvent poser de gros problèmes en cas de défaillances sur les routes perdues de ce monde.
Les commandes de freins et de vitesses étant unifiées sur les leviers de gravel, il n’est pas possible – comme on peut le faire avec du matériel de VTT – de changer juste les freins (leviers et étriers), afin de passer à un tirage mécanique sur un groupe initialement prévu pour de l’hydraulique.

L’alternative MicroSHIFT

Peu à peu, Shimano et SRAM s’écartent donc des nécessités des voyageurs. Mais pour qui est attaché à avoir du matériel 100% mécanique, la marque taïwanaise MicroSHIFT offre au moins une alternative intéressante.

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MicroSHIFT est la seule marque à proposer encore un groupe avec vitesses et freins actionnés par câbles.

Son groupe Sword est dédié au gravel, et fonctionne par tirage mécanique, tant pour les freins que pour les vitesses. Du matériel à l’ancienne serait-on tenté de dire, si quelques raffinements modernes n’y avaient été apportés, qui le rendent plus pratique et ergonomique que les équipements des décennies passées.
En cas de défaillance, on a donc plus de chances avec Sword d’arriver à bricoler quelque chose sur le bord de la route.

Hélas, si la panne est critique et qu’une pièce doit être changée, il risque d’être difficile de trouver des composants de remplacement pour cette marque moins répandue que les deux mastodontes du marché. Pas possible non plus de se dépanner avec des équipements de la concurrence : il ne sont pas compatibles.

Sur la question des braquets, MicroSHIFT propose aussi de grandes cassettes qui permettent d’atteindre des développements convenables pour l’itinérance. Avec une plage de 10 vitesses, cependant, les écarts entre deux vitesses sont un peu plus marqués que sur les cassettes 11 ou 12v, ou qu’avec les formules à double ou triple plateaux.
En outre, dix vitesses ne permettent pas de couvrir un panel très large de braquets. Si on opte pour des braquets propices à l’itinérance, on se trouvera en revanche un peu court lorsque le vélo sera déchargé et que l’on souhaitera faire défiler le tarmac à toute allure.

Les montages hybrides route/VTT

Certaines formules sont envisageables pour combiner des composants de gravel (en l’occurrence, ce sont les commandes qui nous intéressent) avec des pièces de VTT (dérailleurs, cassettes, etc.). Elles sont toutefois moins nombreuses qu’on pourrait le penser a priori.

On peut par exemple être tenté d’utiliser un pédalier de VTT à 30 ou 32 dents au sein d’un montage gravel, mais dans la plupart des cas on se retrouvera avec une ligne de chaîne médiocre, résultant en un moins bon fonctionnement de la transmission et une usure précoce du matériel.
Et dans tous les cas, on restera confiné aux freins hydrauliques, puisque les leviers de gravel à câbles n’existent pas.

On peut aussi opter chez Shimano pour des transmissions 2x9v ou 3x9v : leurs dérailleurs fonctionnent avec le même tirage de câble pour la route et pour le VTT, et ces systèmes fonctionnent avec des freins mécaniques.

En combinant les composants des groupes Shimano Alivio (VTT) et Sora (route), on peut arriver à se concocter un groupe hybride répondant à nos critères. Sauf peut-être celui de la qualité…

Mon vieux vélo de trekking par exemple combine des leviers Shimano Tiagra (route) avec une transmission Deore (VTT), et même des freins sur jantes. Mais ces pièces sont anciennes, et les nouvelles versions des groupes en question – qui comptent maintenant 10 vitesses – n’assurent plus la compatibilité route/VTT. Un montage neuf de ce type devra donc se faire aujourd’hui sur les gammes Alivio et Sora, dont j’ai pu constater qu’elles manquaient un peu de robustesse pour les grands voyages.
Rappelons aussi que les leviers de frein route et VTT ne tirent pas de la même façon sur les câbles. Actionner des étriers VTT avec des leviers route entraîne un freinage un peu sec.

Les commandes à friction

C’est une variation sur le thème précédent, qui permet de profiter des grandes cassettes à 11 ou 12 vitesses, et de monter de surcroît des freins à tirage mécanique.
On abandonne ici les leviers modernes, qui commandent à la fois les vitesses et les freins. On les remplace par de purs leviers de freins comme en proposent encore Tektro (modèle RL340) ou TRP (RRL).
Pour actionner les dérailleurs, on a recours également à des commandes “à l’ancienne”, qui se montent selon les modèles : sur le tube diagonal (la formule vraiment vintage !), aux bouts du cintre (le plus répandu de nos jours), ou parfois sur le pivot de fourche ou en des endroits plus atypiques.

À gauche : des commandes MicroSHIFT de bouts de cintre, et des leviers Tektro.
À droite : Gevenalle assemble des commandes Dia-Compe directement sur les leviers Tektro.

La plupart de ces leviers proposent un indexage de base (à 9, 10, 11 ou 12 vitesses) respectant les tirages des dérailleurs d’un fabricant ou d’un autre ; mais ils permettent aussi de désactiver ces crans, pour manœuvrer librement et en toute fluidité le dérailleur sur la cassette. Ce second réglage, plus délicat à prendre en main, permet de remédier à des problèmes de dérailleurs tordus, ou même à des incompatibilités entre commandes, dérailleurs et cassettes.
MicroSHIFT propose tout un panel de ces commandes à friction. On peut aussi remarquer les leviers modifiés de Gevenalle, qui montent des commandes à friction de chez Dia-Compe sur des leviers de freins Tektro.

Bien que ces systèmes puissent paraître un peu archaïques de nos jours (et que les leviers vintage ne soient pas aussi confortables que les plus modernes), ils présentent l’avantage d’une grande réparabilité et permettent d’échapper à de nombreux problèmes de compatibilité quand on doit changer un élément de sa transmission dans un coin de ce monde où les options ne sont pas pléthore.

Les doubles leviers de freins

Dans la même optique de séparer les commandes de freins et de vitesses, on peut aussi envisager de monter, en plus d’une paire de leviers de gravel, des commandes de freins façon VTT.
Cette solution a quelque chose d’inélégant, car alors les belles commandes GRX ou autre ne servent plus qu’à passer les vitesses. Cependant on bénéficie dans ce cas d’une transmission gravel moderne, pourvue d’une large gamme de développements, tout en assurant la bonne réparabilité de ses freins.

Attention toutefois à ne pas prendre n’importe quels leviers de freins : la plupart ne peuvent pas être montés sur des cintres de route/gravel. Il s’agit d’en trouver avec une bague de serrage de 23,8mm ou 31,8mm de diamètre (comme en proposent notamment Paul Components avec leurs Cross Levers, ou Velo Orange dans la gamme Grand Cru). Ces leviers ont un tirage de câble adapté aux freins de route.

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Que ce soit avec Velo Orange ou avec Paul Components, on paye le prix fort pour du matériel certes d’excellente qualité, mais très simple dans son fonctionnement.

Les boîtes de vitesses

En matière de facilité d’entretien et de fiabilité, les transmissions à boîte de vitesses (comme le fameux moyeu Rohloff ou la boîte de pédalier Pinion) ont une longueur d’avance sur le bon vieux dérailleur. En ce sens elles répondent judicieusement à notre problématique. Certaines offrent même de très larges plages de développements, idéales pour l’itinérance. Le problème, c’est les commandes !

Aucun des principaux fabricants de boîtes de vitesses ne propose de commandes pour guidons de route/gravel. (Typiquement, les vitesses sont actionnées par une manette rotative, semblable à celles des VTT pour enfants ou des vélos de ville bon marché.)
Des alternatives existent cependant. Il peut s’agir d’ajouter quelque part sur son vélo un point de montage au bon diamètre. Certaines marques proposent aussi des pièces spécifiques permettant de modifier des leviers SRAM ou Campagnolo. Plus récemment on a aussi vu apparaître des solutions électroniques à ce problème (mais c’est une option qu’on cherche ici à éviter).

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La marque indienne Posst a opté, sur son vélo de voyage Oberon, pour un moyeu Rohloff commandé par une manette rotative fixée sous la potence.

Dans tous les cas, il faudra bien étudier les questions de compatibilité, et ne pas avoir peur de bricoler. Peu de commerçants seront disposés à effectuer ce genre de montages exotiques. Il faut aussi garder à l’esprit qu’en cas de panne, on ne pourra probablement compter que sur soi, et que les pièces de remplacement seront très difficiles à trouver.


Comme indiqué en introduction, il n’existe pas à cette date de groupes (transmissions+freins) vraiment adaptés au grand voyage sur un vélo de route ou de gravel. Le tout-mécanique se fait rare, et les grandes marques ont du mal à concevoir qu’on puisse utiliser un vélo de route pour autre chose que faire la course ou rouler en club le dimanche matin.
On devra donc systématiquement avoir recours à des formules alternatives.

À l’avenir, on peut pour le moins espérer que se développent des transmissions permettant de mouliner davantage. Le gravel tire en ce sens. Après des années de nette séparation entre les groupes de route et de VTT, la tendance semble d’ailleurs être à un retour de la compatibilité entre ces deux univers. L’essor de l’électronique fait toutefois redouter que les solutions “à l’ancienne” (comprendre à câbles) ne soient reléguées aux gammes inférieures, peu fiables.

La question des freins est plus délicate : les systèmes hydrauliques sont en train de conquérir tout le marché. Peut-être peut-on espérer que les technologies hybrides (hydro-mécaniques) se développent : elles offrent la qualité de freinage de l’hydraulique, tout en conservant la simplicité mécanique des systèmes à câble.

Quoi qu’il en soit, les voyageurs au long cours ont toujours été confrontés au problème d’un matériel mal adapté à leurs besoins spécifiques. Cela n’a pas empêché des générations d’intrépides cycliste de parcourir les routes les plus improbables de ce monde.
D’ailleurs, les problèmes ne viennent souvent pas de là où on les attendait, et ils fournissent des bonnes histoires à raconter par la suite. “À cœur vaillant, rien d’impossible !”

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  • Jean-François Baudon, le 06/11/2024 à 14h36
    Bonjour, merci pour cet article bien détaillé. Le plus simple serait peut-être de monter un cintre "exotique", type H-bar ou dérivé, permettant d'exploiter des commandes de VTT sur un vélo de gravel, tout en bénéficiant d'une position proche de celle des mains aux cocottes. Pour ma part, je suis très content de ce système, associé à une boîte Pinion, sur mon Caminade Allroad, que je trouve idéal pour voyager en Europe (je ne suis pas un voyageur au très long cours...), même avec des freins hydauliques (mais les commandes de freins sont indépendantes, on peut donc choisir).
    Cordialement
    • Erwan, à Jean-François Baudon, le 12/11/2024 à 09h14
      Bonjour Jean-François.
      C'est vrai, les guidons alternatifs de trekking rejoignent l'idée des positions multiples qu'on trouve sur un cintre de gravel. Cela dit les positions du guidon gravel sont assez spécifiques, et procurent des sensations que je n'ai éprouvées sur aucun autre type de guidon.
      Il y aurait sans doute matière à faire un lonnng article sur le confort et les sensations que procurent chaque type de guidon (ou même chaque modèle de cintre) !

      L’idée de cet article était précisément de passer en revue les formules envisageables pour rester sur un guidon de gravel. Mais sans doute pour plein de monde la solution la plus simple (et la plus économique) sera d'opter pour autre chose qu'un guidon de gravel !

      Je profite de ton commentaire pour glisser ici deux liens sur les guidons multi-positions, pour ceux que ça intéresse :
      https://lesvelosmigrateurs.fr/…/yage-et-la-randonnee
      https://lesvelosmigrateurs.fr/…/e-confort-sur-mesure