Les deux nouveaux groupes gravel/bikepacking de chez microSHIFT ne jouent pas la surenchère avec la concurrence, mais assurent les bases et apportent quelques nouveautés qui leur sont propres.
Dans un récent billet consacré à l’originalité du fabricant de composants taïwanais, je soulignais que microSHIFT a fait de longue date le choix de ne pas rivaliser avec SRAM, Shimano ou d’autres sur la sophistication des technologies. C'est maintenant clair et net, affiché comme un manifeste sur leur site :
Nos concurrents mettent en avant des équipements de route haut de gamme, et nous pensons que c'est une bonne chose. L'électronique, le sans fil, l'hydraulique - tout ça est très bien.
Mais nous pensons aussi que le monde a toujours besoin d'un bon groupe actionné par câbles.
C'est là que Sword entre en jeu. Il est doté d’une ergonomie moderne, d’une cassettes de grande amplitude pour les grandes ascensions, et d’une conception entièrement mécanique facile à entretenir et à régler.
Il s'agit d'un groupe nouvelle école, doté de toutes les fonctionnalités utiles, et abordable. Typiquement microSHIFT !
Il est vrai qu’entre la multiplication du nombre de vitesses, l'adoption du freinage hydraulique, et le passage aux transmissions électroniques, les leaders du marchés tirent les cyclistes vers des perfectionnements coûteux qui ne présentent pas de grande nécessité pour la plupart d’entre nous.
C’est dans cette logique – qui avait déjà inspiré la conception du groupe VTT Advent X – que microSHIFT sort son premier groupe destiné au gravel et au bikepacking.
microSHIFT propose donc ici deux groupes (l’un à pédalier simple, l'autre en double plateau) dont le fonctionnement propose un retour aux fondamentaux. Les dérailleurs comme les freins sont actionnés par câbles, si bien qu'il n'y a pas de batteries à recharger, pas de vidanges à effectuer. Rien que de la bonne vieille mécanique.
Selon le même éthos, microSHIFT refuse de s'aligner sur le grand nombre de vitesses proposé par ses concurrent, et joue la carte de la robustesse, avec des cassettes de 10 vitesses.
D'ailleurs, parlons-en des vitesses, et mettons tout de suite les choses au clair.
Dix pignons seulement sur la cassette, ça n'est pas un problème en soi. Tant que la progression entre deux braquets n'est pas trop importante (+20% selon mes propres critères), les transitions sont suffisamment fluides pour un usage non compétitif. Quant à l'amplitude de développements, un rapport de 1 à 4,3 entre la plus petite et la plus grande vitesse peut être suffisant en itinérance, du moment que celles-ci sont adéquatement réparties.
Non, le nerf de la guerre quand on choisit une transmission pour le voyage, ce sont les petites vitesses. Il s'agit de pouvoir mouliner assez pour hisser ces kilos de bagages en haut des cols !
Sur ce plan, les groupes pour vélos de route ne sont pas du tout adaptés, si bien qu'on opte généralement pour du matériel de VTT. Si le gravel a introduit une formule intermédiaire, celle-ci ne se prête généralement qu'à la randonnée légère.
Hélas pour les voyageurs attachés à un peu plus de confort, les groupes Sword ne font pas exception…
Le groupe à pédalier simple propose de combiner un plateau de 40 ou de 42 dents avec une cassette de 11-48, ce qui fournit au plus bas un braquet de 0,83.
En double-plateau c'est un peu mieux, mais avec des pédaliers de 48/31 ou 46/29 et une cassette de 11-38 dents on s'en tient à un braquet minimal de 0,76.
Dans ces conditions, selon la taille des roues, ça peut faire l'affaire avec des sacoches de bikepacking. Mais il faudra s'attendre à de sérieuses difficultés dans les côtes si on charge davantage le vélo.
Pour faire baisser les développements, les plus bricoleurs pourraient avoir l'idée de combiner les commandes 2×10v avec le dérailleur et la cassette 1×10v. Hélas tous les critères de compatibilité ne sont pas réunis. On peut en revanche imaginer remplacer les plateaux des pédaliers par de plus petits. Leur fixation reprend un standard de chez Shimano.
Mais globalement les groupes Sword sont peu adaptés aux grandes expéditions.
Beaucoup de soin semble avoir été apporté à l'ergonomie des leviers.
Dans une logique semblable à celle de Campagnolo, chaque action (freiner, et monter ou descendre les vitesses) dispose de sa propre commande, pour éviter de mauvaises manipulations. Une vis de réglage permet d'ajuster la position des commandes indépendamment les unes des autres.
Le groupe 1× n'ayant pas de dérailleur avant à contrôler, deux leviers gauches sont proposés pour ce montage : l'un sert uniquement à freiner, l'autre permet aussi d'actionner une tige de selle télescopique. (Les casse-cou seront ravis.)
Les leviers de freins adoptent une forme qui devrait accommoder au mieux les cintres évasés typiques du gravel. En outre, leur pivot est placé haut sur la manette, ce qui confère un meilleur effet de levier, car microSHIFT a fait le choix de leur procurer un tirage de câble légèrement supérieur à la norme, pour plus de puissance.
À observer les photos, le design des cocottes paraît confortable…
Les dérailleurs ne sont pas en reste.
On trouve sur celui de l'avant une vis de réglage qui permet d'ajuster finement la tension du câble. Un petite innovation propre à ce groupe. (L'opération s'effectue toutefois avec une clé Allen de 3 mm seulement, dont on peut redouter que la tête ne s'abîme rapidement…)
Sur le dérailleur arrière on trouve plus communément un système de réglage à l'endroit où s'insère la gaîne. microSHIFT a donné un peu de souplesse à cette interface, qui pivote légèrement pour mieux s'adapter aux divers routages que peuvent suivre les câbles, d'un vélo à l'autre.
Ce dérailleur est aussi pourvu d'un stabilisateur de chaîne débrayable, pour assurer une excellente tension sur les pistes, sans compliquer le démontage de la roue.
Le tirage des câble est le même sur les deux groupes Sword et sur l'Advent X, si bien que certaines combinaisons de composants sont envisageable. (Des commandes Advent X avec un dérailleur Sword, par exemple. D'ailleurs, la cassette 11-48 est la même.)
Côté poids et tarifs, microSHIFT demeure fidèle à sa ligne et en cohérence avec les choix techniques opérés, proposant quelque chose d'intermédiaire entre les produits d'entrée et de haut de gamme de ses concurrents. Compter à peu près 1960 g et 420 € pour un groupe complet en mono-plateau ; 2210 g / 480 € en pédalier double. (Avec des variations selon la sélection exacte des composants.) Un bon compromis pour la pratique qui nous concerne.
Bref, pour des sorties gravel à la journée, les groupes microSHIFT Sword offrent des solutions pertinentes dont les choix technologiques se distinguent judicieusement de la concurrence. Pour l'itinérance en revanche, bien que la simplicité des mécanisme soit intéressante en particulier dans l'optique de long périples, les petits braquets pourraient ne pas suffire à grimper toutes les côtes, et on attend encore que la marque nous sorte quelque chose de spécifiquement adapté.
C'est un espoir que l'on peut caresser, car les logiques adoptées par microSHIFT recoupent par divers aspects les besoins des voyageurs. Mais peut-être l'itinérance n'est-elle pas encore une pratique suffisamment répandue pour qu'une marque alternative aux géants du secteur prenne le risque de s'y engager...
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Espérons qu'on aura un prix plus raisonnable et c'est un carton assuré.
Mais au bout d'un an je ne serai pas surpris que ça se tasse. Espérons...