Un porte-bagages en Asie centrale - Suite et fin

Un porte-bagages en Asie centrale - Suite et fin
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Notre porte-bagage a beau être en aluminium, Ruslan nous assure qu'on trouvera quelqu'un au village pour le réparer. On grimpe dans sa vieille Lada. Il nous emmène chez un mécanicien, lequel nous renvoie à des métalliers. Dans un atelier crasseux et désordonné, des messieurs à la moustache épaisse, aux mains rugueuses et au grand cœur confirment qu'ils ne seront pas en mesure de souder la pièce cassée, mais offrent de fabriquer une attelle. Un jeune gars se saisit de la grosse meuleuse. Calant sous son pied chaussé de sandales une plaque d'acier, il découpe la pièce aux dimensions voulues, dans un bruit terrible et un volcan d'étincelles. La pièce est ensuite tordue dans l'étau pour lui conférer la forme voulue. Puis elle est percée, de même qu'est percé le bras du porte-bagages, pour passer les vis qui assureront le maintien de l'ensemble. Ne manquent que les vis…
Il n'y en a pas à l'atelier, et Leroy Merlin n'a pas encore la main mise sur les campagnes ouzbèkes ! On visite trois boutiques pour trouver ce qu'il nous faut, au fond d'un tiroir.

Un porte-bagages en Asie centrale - Suite et fin

Avec ça, il est encore plus solide qu'avant.

Sur le coup, l'affirmation enthousiaste de Ruslan nous laisse un peu dubitatifs, mais le résultat semble fiable, et on se sent à présent en confiance pour rouler jusqu'à Douchanbé. Notre joie et notre gratitude sont grandes.

On reprend la route. La réparation tient sans signes de faiblesse jusqu'à Boukhara, puis nous ramène à Samarcande sans encombres.

Pour revenir au Tadjikistan, on choisit un nouvel itinéraire, par une frontière plus méridionale – la voie qu'avait emprunté Alexandre le Grand il y a dix-sept siècles.
Au deuxième jour de ce tronçon, redescendant du col de Ming Chinor, un cliquetis nous interpelle. La réparation aurait-elle failli ?
À notre stupeur, non, le bras réparé n'a pas cassé de nouveau : c'est l'autre bras qui a lâché ! Consternation…
Mais cette fois on sait qu'une solution est envisageable. Avec du fil de fer qu'on avait ramassé à tout hasard au bord d'une route, on improvise un fragile renfort. Et on croise les doigts pour pouvoir rejoindre comme ça la ville de Shahrisabz.

Là, on pose nos affaires dans un hôtel familial ; des hôtes adorables. Sitôt notre problème exposé, un appel est passé, puis un autre, et bientôt un homme débarque, plein d'enthousiasme, qui apparemment s'y entend en matière de travail des métaux. Nous n'avons pas de langue en commun dans laquelle communiquer, mais il nous fait comprendre qu'il va nous fabriquer une attelle semblable à la première. Il se saisit du porte-bagages et s'en va à grands pas. "Ne vous inquiétez pas, je m'occupe de tout" devinons-nous. On aurait pourtant été plus rassurés de monitorer les opérations.

Mais l'homme revient une heure plus tard, avec un porte-bagages muni d'une nouvelle attelle, copie conforme de la première. Il refuse qu'on paye ou qu'on le défraie de quoi que ce soit. Une photo de groupe sera le seul tarif de ce sauvetage.

Photo de groupe à Sharhrisabz

On peut alors reprendre la direction de Douchanbé, par la route de Boysun. Un trajet plein de beauté et de belles rencontres, qui se passe sans soucis mécaniques.

De retour au Tadjikistan, on retrouve notre QG chez Zafar. Thibaut arrive le lendemain, qu'on accueille à l'aéroport. Il se joint à nous dans notre caravansérail moderne. On reste là encore quelques jours, le temps que chacun parachève ses préparatifs, avant d'attaquer le fameux brin de route dans les Pamir.
Thibaut n'a pas manqué à sa parole. Il sort de ses bagages un Tubus Cargo neuf, qui s'adapte parfaitement à notre vélo. C'est un grand soulagement. Une inquiétude nous taraude cependant : le second porte-bagages. Si le premier s'est brisé à deux reprises, l'autre tiendra-t-il mieux ? Dans des conditions plus rigoureuses, de surcroît… On peut supposer que non.
Trop tard maintenant pour commander un deuxième Tubus. On repense à l'affirmation de Ruslan. Oui, sans doute au final, avec ces renforts d'acier, le porte-bagage réparé est devenu plus robuste qu'il l'était à l'origine. On laissera donc derrière nous le porte-bagages qui avait tenu le coup. On en fait cadeau à Zafar, qui le monte fièrement sur son propre vélo.

Faisant route à trois maintenant avec notre nouveau compagnon, on s'élance finalement – non sans une certaine appréhension mais pleins de détermination – à l'attaque des montagnes du Pamir. Ce sera une traversée éblouissante, que nous partagerons avec de nombreux compagnons rencontrés en chemin. Les routes seront difficiles, les chemins parfois défoncés, mais le porte-bagages miraculé tiendra sans faiblir jusqu'à Och, et bien au-delà. Mais c'est une autre histoire…

Col Ak Baïtal, montagnes du Pamir

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Après cinq ans passés au Proche-Orient et en Amérique Centrale, je suis venu au vélo par intérêt pour le voyage. D’abord un tour en ma Bretagne natale, puis quelques équipées sur des terrains plus relevés, et bientôt je partais pour six mois de route entre Asie du Sud-Est et Asie Centrale.
Il m’est difficile à présent de concevoir un voyage sur un autre mode ; et pour toutes mes vacances ou presque, ainsi qu’un certain nombre de mes week-ends, je charge le matériel de camping pour une échappée vélocipédique au grand air, au pas de ma porte ou au bout du monde.

Informaticien à mes heures perdues, je suis également le développeur-éditeur-modérateur-dictateur de ce site, et du planificateur de voyages Talaria.

Enfin, ma dernière lubie en date est de fabriquer des vélos sur mesure.

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