Agréable réveil, dans la charmante ferme de Lulu, habitée d’une foison d’objets pleins d’âme. On reconnaît sous son toit le raffinemment et la simplicitié de notre ami.
C’est la première étape de nos vacances dans le Pays-Basque. Une escapade très attendue, qui va nous permettre de changer de paysages, d’aller à la rencontre d’une autre culture régionale forte, et de retrouver pour un temps le rythme de l’itinérance cycliste.
On passe avec Lulu deux jours sur un mode farniente, dont j’avais bien besoin. Les lieux sont très propices au repos, la présence de Lulu toujours très apaisante.
Premier jour de route. En prévision des fortes chaleurs, on part tôt. Un vrai régal. J’adore l’ambiance matinale. Immédiatement les paysages nous réjouissent. De colline en colline, on peut admirer une campagne préservée, et l’attirante chaîne des Pyrénées, qu’on approche par des chemins détournés, pour profiter des petites routes.
La pause méridienne se fait devant le château de Mauléon. Longue pause, en raison de la chaleur. C’est la canicule. Même en repartant à 18h, on transpire abondamment sur la seconde partie du chemin. Mais un spot de bivouac idéal s’offre à nous : auprès d’une rivière où on peut se baigner et laver nos vêtements.
La culture basque ne nous déçoit pas : elle est omniprésente. Sur chaque place publique un fronton de pelote ; les gens conversent en basque ; une affiche pour une course en espadrilles ; des toponymes, de nombreuses inscriptions en basque, et une signalétique routière bilingue, comme chez nous.
La population nous fait un accueil que je n’attendais pas si chaleureux. De grands sourires, des encouragements. Jusqu’ici on n’a pas croisé de cyclo-campeurs (alors qu’ils sont un nombre incroyable en Bretagne cette année) ; voilà qui contribue sans doute à expliquer ce prestige.
Dans la matinée, on atteint l’objectif du jour. Après une belle ascension, nous voilà bel et bien en montagne. On découpe les étapes à venir en fonction des possibilités de ravitaillement, qui s’amenuisent. Demain nous passerons un premier col. J’ai hâte : c’est souvent un émerveillement de voir un nouveau paysage s’ouvrir soudain, grandiose.
Pousser plus loin ce jour signifierait gravir le col. Les lieux sont escarpés : difficile d’y trouver un bivouac. Après une petite sieste et un tour du village, on préfère se poser au camping. Son ambiance nous convient, mais ça ne vaut pas le bivouac...
Chaque nuit — ou même dès le soir— l’orage gronde. Outre que ça nous ne laisse pas dormir aussi sereinement, ça complique l’organisation. (Pas très envie de piquer la tente sous des pluies torrentielles.)
Ce matin, on grimpe un premier col. Dans la brume, dommage. Mais l’idée d’élévation est quand-même bien là : j’aime beaucoup. D’autant qu’en haut la vue se dégage. Les crêtes semblent un archipel sur une mer de nuages : spectaculaire.
Par une descente VTT musclée en sous-bois, on rejoint un gué enchanteur où on prend notre pose de la mi-journée. Notre filtre à eau est bouché. (Que ne l’avons-nous inspecté avant le départ !) Je décide donc de descendre jusqu’à un point d’eau potable indiqué sur la carte.
À mi-chemin, j’hésite à faire demi-tour : je vais avoir beaucoup à remonter. Les gourdes remplies, j’avertis Nathalie par SMS : compter une heure avant que je ne sois de retour. Mais soudain j’y suis : montre en main, il m’a fallu 13 minutes !
L’après-midi, une pente douce après le point d’eau nous amène à un col où s’ouvre une vue éblouissante au nord. Comme on est heureux de nous trouver là ! C’est une journée fantastique.
Un sympathique berger nous fait le plein d’eau en prévision du bivouac, puis on descend entre les pâtures jusqu’au bord d’un lac. Le chemin de sous-bois qui en fait le tour est un nouveau ravissement, mais les lieux n’appellent pas au bivouac. Aussi faisons-nous demi-tour jusqu’à la frontière espagnole, pour retrouver en amont un gué charmant où monter la tente. Dans l’eau de la rivière on se baigne et on fait la lessive. Tous les soirs jusque là, on a pu se laver de nos efforts. C’est un luxe que je n’osais pas espérer.
La nuit, excité de cette journée fabuleuse et impatient de remettre ça, je dors peu. Le matin qui suit s’en trouve plus difficile, sur les chemins de VTT.
On descend après la sieste sur nos premiers villages espagnols. Pas très intéressants, hélas. Ni d’ailleurs la vélo-route sur laquelle j’ai calqué notre itinéraire de ce côté-ci de la frontière, et qui nous fait beaucoup avancer sur un axe routier.
On bifurque : une ascension douce le long d’une rivière nous mène à de très beaux pâturages où on installe notre camp.
Hélas une partie de la soirée est assombrie par mes difficultés à établir un itinéraire engageant en Espagne. Au final on décide de prendre pour base le tracé de la traversée des Pyrénées à VTT, qu’on tâchera d’adapter à nos contraintes et facultés. Mais la prochaine étape nous ramènera provisoirement en France : une matinée de route et un peu de repos.
Petit-déjeuner sous la tente, en laissant passer les dernières précipitations. Des vaches viennent visiter notre campement, qu’on accueille avec amusement.
Une douce ascension suit jusqu’au col qui fait frontière. (Quelle chance de passer ainsi d’un pays à l’autre sans croiser un douanier !) Un panorama resplendissant s’offre à nous, et une longue descente. On trouve encore un spot avec accès à la rivière pour notre pause du midi.
On pensait s’arrêter jusqu’au lendemain, mais la météo est menaçante, et on n’aime pas trop piquer la tente en plein après-midi à proximité d’habitations. On descend donc à la prochaine petite ville, et on se pose au camping. Comme tous les emplacements sont pris, deux jeunes cyclo-randonneurs en VTT tout suspendus nous invitent à partager leur carré de pelouse. Chouette rencontre, qui — pour ne pas changer — me mettra dans un état d’excitation insomniaque !
Le col du matin, qui nous ramène en Espagne, est avalé en une heure trente ! On prend un café avant la descente, bien plus rapide encore ! Mais arrivé en bas je réalise que l’appareil photo n’est ni à mon épaule ni dans mon sac. Oups... Je me vois déjà regravir le col jusqu’au café, puis je réalise que je l’avais négligemment posé sur une sacoche, dont il n’a pas bougé !
Au petit village où on comptait faire des courses et trouver une chambre d’hôtes, rien de tout ça n’est possible. On décide d’avancer l’étape du lendemain : il nous reste suffisamment de stocks pour cet arrangement.
Par une piste parfois difficile, mais qui procure une sensation de tranquillité et de proximité avec la nature tout autre que les voies bitumées, on rallie un point d’eau où j’abreuve des poneys assoiffés. Puis on se pose un peu en aval, sous un chêne majestueux. Un petit coin de paradis.
Le maître des lieux passe voir ses vaches dans le champ attenant : il est gêné de nous déranger ! Petite conversation sympathique. L’accent local ne nous pose aucun problème — d’ailleurs notre niveau d’espagnol ne nous permet pas de le percevoir.
Il paraît qu’on dort mal sous les chênes. Je refuse d’y croire, mais je fais néanmoins une nuit très brève.
Qu’à cela ne tienne, on s’engage sur pistes VTT. C’est parfois difficile, parfois même complètement impraticable, mais on y trouve beaucoup de plaisir et de satisfaction. Puis, revenant sur la route, je rate dans la descente la bifurcation qu’on devait prendre. Pour punition, on se tape 270m de dénivelé positif en rab, bien raides ! Et je dois réparer en chemin une crevaison à petit feu que je traîne depuis le matin.
Le village d’Etxala où on s’arrête pour déjeuner est plein de charme. Comme dans bien des villages espagnols, le fronton de pelote basque occupe la place centrale, et quelques bars animés. Tout ça est plein de vie. L’architecture est ancienne, pittoresque.
Depuis le départ, on n’a pas encore pris un jour de repos. En camping sauvage c’est un peu gênant, et en campings officiels le manque d’ombre rendrait la chaleur insupportable.
On décide donc de se trouver une casa rural (chambre d’hôtes) typique. On frappe à quatre ou cinq portes. Aucune réponse. (Est-ce que 16h30 c’est encore trop tôt ?) Sur internet, tout semble réservé : la crise sanitaire a fait migrer les touristes des villes vers les campagnes.
Nous voilà donc obligés de trouver un nouveau bivouac d’une nuit. On s’installe tout près, sur les bords d’une rivière, devant une chapelle et des calvaires décorés de motifs naïfs.
Le lendemain restera comme la journée la plus morne. (La seule, en fait.) Le ciel est couvert. Les paysages affadis et la route du matin n’apportent rien que nous n’ayons déjà vu. Elle se termine sur une piste cyclable descendant vers la banlieue de San Sebastián. C’est très fréquenté. On pique-nique sans véritable pause, et on tâche de finir rapidement le programme du jour.
Dans cette zone urbaine, le bivouac est exclu, mais les campings indiqués sur la carte, pris entre les grands axes routiers, n’accueillent pas de campeurs. Mobile-homes uniquement, dans une ambiance jacky-moumoute. Bof... Poussons encore jusqu’en France, où les campings sont foison.
Pour ne pas nous donner d’objectifs trop difficiles, et parce que la crête semble prise dans les nuages, on renonce à passer par la colline qui tire un abrupt trait d’union entre San Sebastián et Irun. Je parviens à tracer un itinéraire rural qui nous fait oublier l’enfer automobile.
À Irun, on pensait faire des courses en prévision du dimanche, mais c’est la Fête de la Vierge ! On devra donc s’ajouter un détour dans Hendaye pour nous approvisionner. Au final, ce sont 20Km et +500m que nous additionnons à notre journée avant de nous poser en camping. Je recharge nos appareils : en zones urbaines on sollicite beaucoup le GPS.
Notre route du matin longe le bord de mer. Nathalie se baigne. Moi je n’ai pas le goût. La fatigue accumulée, sans doute.
Saint-Jean-de-Luz est un bel endroit, bien au-delà de ce que j’avais imaginé. Mais ses rues sont bondées de touristes. Notre mode de déplacement n’est pas approprié à une véritable visite. On repart à l’est.
Ça sent la fin. On suit une vélo-route qui nous fait prendre beaucoup de départementales. Mais les routes alternatives nous feraient arriver tard à Mendionde, où j’espère à présent assister à l’arrivée du premier concurrent de la French Divide (un ultra-trail à vélo). Le soir on se pose dans un camping à la légalité douteuse, dont l’ambiance champêtre nous convient toutefois assez bien.
Au matin, je suis un peu pressé. Pas besoin de rouler fort (ça, Nathalie n’aimerait pas), mais il faudrait limiter les pauses.
C’est le moment que choisit la transmission de Nat’ pour nous lâcher. (Je pensais la changer en rentrant ; j’aurais mieux fait d’anticiper.) On décide de se séparer : je continue jusqu’à Mendionde, tandis qu’elle reste à Espelette, où Lulu va venir la chercher.
Du coup je change d’itinéraire : plus dur, mais très beau. Je raccroche le tracé de la French Divide.
Nat’ et Lulu me rejoignent à Mendionde pour pique-niquer. Sur le téléphone, je guette la progression de Sofiane.
À part les bénévoles et nous, seuls deux ou trois curieux du village sont venus assister à l’arrivée. Pas même un pigiste de la presse locale. Un véritable athlète réalise une performance incroyable dans le village, et tout le monde s’en fiche ! Ça semble un peu ballot, mais c’est peut-être pas plus mal comme ça.
Sofiane ne semble pas du tout fatigué à la mesure de son épreuve (2270Km de VTT en moins de neuf jours). Son équipement est ultra réduit : de toutes petites sacoches, même pour du bikepacking. Il est plutôt locace et sympathique, mais je ne me sens pas vraiment à ma place ici. Quand Nathalie et Lulu se mettent en route pour Espiute, je leur confie l’essentiel de mes bagages, et repars moi aussi.
Je tâche de faire vite, pour arriver avant la nuit (on était sensés camper encore un soir avant de finir la boucle), mais en chemin j’ai l’occasion de me délecter une nouvelle fois des campagnes vallonnées et de vues splendides sur la chaîne de Pyrénées. Une course méditative sur dix jours exceptionnels, dans un terroir exceptionnel.
Après cinq ans passés au Proche-Orient et en Amérique Centrale, je suis venu au vélo par intérêt pour le voyage. D’abord un tour en ma Bretagne natale, puis quelques équipées sur des terrains plus relevés, et bientôt je partais pour six mois de route entre Asie du Sud-Est et Asie Centrale.
Il m’est difficile à présent de concevoir un voyage sur un autre mode ; et pour toutes mes vacances ou presque, ainsi qu’un certain nombre de mes week-ends, je charge le matériel de camping pour une échappée vélocipédique au grand air, au pas de ma porte ou au bout du monde.
Informaticien à mes heures perdues, je suis également le développeur-éditeur-modérateur-dictateur de ce site, et du planificateur de voyages Talaria.
À titre professionnel, je fabrique des vélos sur mesure, sous la marque des Cycles La Tangente.