“Butted tubes” : quelques éclaircissements sur la conception des cadres en acier

“Butted tubes” : quelques éclaircissements sur la conception des cadres en acier
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Les fabricants de vélos en acier aiment à souligner que leurs cadres sont faits de tubes renforcés. Mais que sont ces renforts, à quoi servent-ils, et qu'est-ce qui relève du marketing dans tout ça ?

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Un tube renforcé, ça veut dire quoi ?

Afin de réduire le poids des vélos en acier, on cherche à diminuer la quantité de matériau utilisée dans leurs tubes. Moins il y a de matière, plus le vélo est léger : c’est logique ! Les fabricants tendent donc à utiliser des tubes aussi fins que possible.

Mais les tubes d’un vélo sont soumis à des forces importantes : quand on monte sur le vélo ou qu’on le charge de sacoches, quand on pédale fort, quand on fait des cabrioles, etc. Avec des tubes trop fins, le vélo pourrait paraître mou, voire se déformer durablement, ou même se rompre (si on exagérait vraiment sur la finesse des tubes).

Cependant ces forces portent surtout sur les extrémités des tubes, là où ils sont raccordés entre eux. C’est aussi là que sont réalisées les soudures, lesquelles sont délicates à effectuer sur des tubes très fins.
C’est pourquoi les tubes de vélos de qualité n’ont pas une épaisseur constante : pour limiter leur poids, ils sont très fins dans leur partie centrale (parfois en dessous du demi-millimètre), mais ils sont plus épais aux extrémités (quoique généralement en dessous de 1 mm) afin de garantir leur robustesse et de favoriser leur soudabilité.
Les renforts (“butts” en anglais) sont ces zones où le tube est plus épais.

Profile d’un tube de véloReprésentation schématique d’un tube renforcé. (La partie centrale est généralement bien plus longue.)

Pour atteindre la rigidité nécessaire à la conception d’un vélo, un tube renforcé  (butted tube en anglais) nécessite donc moins de matière qu’un tube à épaisseur constante, car elle est mieux répartie dans son volume. Au final, un tube renforcé n’est donc pas plus robuste qu’un tube à épaisseur constante, mais plus léger.

Voici par exemple les dimensions d’un tube du fabricant italien Columbus :
→ diamètre : 35 mm (“O.D.” sur le schéma ci-dessus)
→ longueur : 670 mm (“LENGTH”)
→ épaisseur : 0,6mm en partie centrale (“RC”) et 0,9 mm aux extrémités (“R1” et “R2”)
Un tel tube pèse environ 433 g.
Si son épaisseur était constante (0,9mm sur toute la longueur), le vélo ne serait pas réellement plus robuste (rappelons que les forces s’exercent surtout aux extrémités), mais ce seul tube pèserait déjà 17% plus lourd.

Renforts simples, doubles, ou triples.

Les marques de vélos vantent des modèles avec des “butted tubes”, voire des “double-butted tubes”, ou même “triple-butted”. Là encore une petite clarification s’impose.

  • Un tube à simple renfort est plus épais sur une seule de ses deux extrémités.
  • Comme on peut le deviner, un tube à double renfort (“double-butted”) est renforcé aux deux extrémités.
  • Le renfort triple (“triple-butt”) est un peu plus ambigu : il s’agit également de tubes renforcés aux deux extrémités, mais la surépaisseur n’est pas la même aux deux bouts. Il peut par exemple s’agir d’un tube en 1.1/0.6/0.9, c’est-à-dire avec une épaisseur centrale de 0,6mm, une extrémité à 1,1mm d’épaisseur, et l’autre extrémité à 0,9mm.
    Parfois le “triple butted” peut également signifier qu’une des extrémités a deux zones de renfort successives : par exemple une première à 1,1mm d’épaisseur sur quelques centimètres, puis une autre un peu moins épaisse sur quelques centimètres encore, avant que le tube ne s’affine en partie centrale (et ne se ré-épaississe à l’autre bout).

Bien que les équipes marketing cherchent à nous faire croire que plus de renforts c’est mieux, la question n’est pas là. Selon la fonction qu’occupe le tube dans le vélo (tube diagonal, tube de selle, bases, haubans, etc.), il n’est pas soumis aux mêmes contraintes, et ne nécessite donc pas les mêmes renforts.

Les tubes d’un cadre de vélo

Typiquement, le tube supérieur est à double renfort. (D’un côté il est raccordé à la douille de direction, de l’autre au tube de selle.)
Le plus souvent, le tube diagonal est à double renfort aussi, mais un triple renfort est parfois préféré pour certains VTT qui subissent des contraintes importantes à l’endroit où se rencontrent la douille de direction et le tube diagonal.
La douille de direction quant à elle a une épaisseur constante. (C’est typiquement le tube le plus épais d’un vélo.)
Les tubes de selle sont un peu particuliers. Ils ont un renfort ordinaire du côté de la boîte de pédalier, mais cela n’est pas envisageable à l’autre extrémité, car alors il ne serait plus possible d’insérer la tige de selle. C’est pourquoi le renfort sur la partie haute de ce tube se fait par l’extérieur.

Profil d’un tube de selle
Un tube de selle a un renfort interne côté boîte de pédalier, et un renfort externe côté tige de selle.

Les bases sont souvent à simple renfort (côté boîte de pédalier), mais peuvent être à double renfort, ou à épaisseur constante, selon le type de vélo.
Il est rare que les haubans aient un quelconque renfort (soumis à de moindres forces, ils sont généralement assez fins sur toute la longueur).

Démêler les vraies qualités des faux-semblants

Quand un fabricant se targue de proposer un vélo en tubes “triple-butted”, cela ne concerne donc qu’un seul tube ! (Le tube diagonal.) Qu’un vélo soit spécifié “double-butted” est un peu une exagération aussi, car jamais un vélo n’est constitué uniquement de tubes renforcés.
Comme toujours, les équipes de marketing en font des caisses, mais quand on nous vante un vélo à tubes renforcés, il faut comprendre qu’il y a des renforts sur certains tubes uniquement, là où ça a du sens.

D’ailleurs, si la liste des tubes renforcés était précisée (elle ne l’est jamais), cela ne serait encore pas suffisant pour évaluer la qualité de conception du cadre. Il faudrait encore connaître les diverses épaisseurs des tubes, la longueur des renforts, la longueur à laquelle ils ont été recoupés, etc., (tout cela devant être défini en fonction de l’usage pour lequel est prévu ce vélo, du gabarit de la personne qui montera dessus, etc).
En fait, il faudrait tellement en savoir sur tous les choix d’ingénierie que le cycliste ordinaire serait complètement perdu !

Bref, même s’il porte une belle étiquette “triple butted”, il n’existe par vraiment de moyen de savoir par avance si un cadre de vélo a été bien conçu, et encore moins s’il vous conviendra à vous personnellement. On s’en remettra à la réputation de la marque, aux éventuels retours d’expérience de personnes qu’on connaît, ou aux tests de terrain de la presse spécialisée. Le plus sûr demeure évidemment de faire soi-même l’essai quand c’est possible.

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