Le Cap Nord, une aventure dans l'aventure

Le Cap Nord, une aventure dans l'aventure
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Le Cap Nord, une aventure dans l'aventure

 

 

J’ai choisi de vous partager notre arrivée au Cap Nord vécu avec beaucoup d’émotion en Juillet 2019. Cet extrait est issu de mon livre “ Cheminer du rêve à la vie à vélo” qui retrace notre voyage à vélo aux deux extrêmes de l’Europe.

Belle lecture !

Approche du Cap Nord

 

Nous avons dépassé le cercle polaire depuis 2 jours, affrontés des vents violents et des variations de températures impressionnantes, à présent nous voici aux abords de notre premier objectif.

Le paysage change et nous abordons des zones plus désertiques, mais voici déjà le tunnel. Il faut savoir que le Cap Nord est situé sur l’île de Mageroya et pour relier cette île il y a un tunnel. Il est autorisé aux véhicules, aux vélos et est long de 6 km 870 passant sous la mer. Cela signifie que nous avons 3 km 435 en descente de 9 % et autant de montées !

Le Cap Nord, une aventure dans l'aventure

Il est un peu plus de 20 h en cette journée du 30 juin, lorsque nous pénétrons dans l’antre de la terre ; l’éclairage est faible, l’humidité importante et il ne fait pas très chaud. Il est vrai qu’avec une inclinaison à 9 % nous prenons de la vitesse. Voilà un bruit assourdissant résonnant qui va en s’amplifiant, on dirait un train, ce n’est pas possible, nous sommes dans un tunnel routier. Est-ce la voûte qui s’effondre ? En une fraction de seconde, les idées défilent, l’imagination s’envole avec des élucubrations les plus farfelues entraînant de l’inquiétude. Mais qu’est-ce que cela peut-il bien être ? Deux yeux apparaissent devant moi, je divague est-ce un monstre ? Je ne suis plus le petit garçon allongé sur la pelouse et voyant en chaque nuage des géants abominables ou invraisemblables. Je me suis ressaisi, c’est une voiture ! Chaque véhicule qui nous double ou nous croise nous offre ce vrombissement qui nous fracasse la tête, cela ressemble au passage d’un train de marchandises, c’est horrible.

Mes cuisses sentent que la pente change de sens, nous sommes au point le plus bas du tunnel soit 212 mètres sous la mer. Une pente de 9 % se présente à nous, quand on gravit un col en plein air dans un environnement majestueux, on y trouve du plaisir. Une ascension de ce pourcentage dans un trou noir avec des difficultés à respirer et une ambiance étouffante cela devient désagréable, éprouvant, harassant je suffoque, je suis écrasé et incommoder. Cette distance avec une telle déclivité nécessite des arrêts pour reprendre mon souffle, cela va durer environ une heure. Heureusement, nous sommes en fin de journée et la circulation est rare.

Un point lumineux fait son apparition, lentement il se rapproche, grandit, grossit, enfin la sortie ! Je m’extrais de ce gouffre, ce trajet fut sûrement le moment le plus pénible de tout notre voyage. De l’air frais ! Il fait bon, le soleil brille, j’entends le clapotis des vagues, mon odorat après avoir inhalé cet air humide est ravi de se retrouver à l’air libre. Les parfums les plus suaves du monde ne peuvent concurrencer cet air pur. Un regard sur ma droite, en contrebas, une plage, un spot idéal pour le campement. Laetitia à son tour en finit avec cette caverne, satisfaite comme moi de pouvoir respirer à pleins poumons. Faut-il être privé d’une chose pourtant habituelle et normale pour prendre conscience de sa nécessité, du bonheur des fonctionnements vitaux ?

Le soleil de midi

Nous avons parcouru 145 kilomètres, 1200 mètres de dénivelé positif en 7 h 15, cette étape portera les lauriers d’étape la plus longue de notre voyage. Pour l’instant, nous montons la cabane en bord de mer, au pied de falaises enherbées où nichent une multitude d’oiseaux. Nous pensons surtout à manger, car nous avons l’estomac dans les talons. Nous sommes là, tous les deux sur cette plage, heureux, radieux. Le soleil brille, il fait très bon, cela nous permet de nous laver avec de l’eau très fraîche. Notre peau est satisfaite, elle n’a plus connu d’ablutions depuis au moins trois jours avec ce climat froid et cela relaxe et apporte détente à notre corps. Propre, nourris, l’astre luisant nous réchauffe, les oiseaux de mer nous livrent un concert, que veut-on de plus ? Mais que veut-on de plus ? Rien ! Nous sommes bien et profitons du temps, des instants de vie. Et là, une récompense inattendue nous est offerte !

Mais au fait quelle heure est-il ?

Presque minuit !

Tous les deux dans un petit coin idyllique de Norvège, avec la mer, un chœur d’oiseaux, une petite brise qui nous permet de respirer l’air de grande pureté. Ensemble, en face de nous des montagnes et le soleil qui est haut dans le ciel. Là, tous les deux en amoureux, amoureux de nous, amoureux de la terre, amoureux de notre voyage, amoureux de notre condition physique, amoureux de l’univers. Là tous les deux, nous vivons notre premier soleil de minuit !

Instant magique ! Instant unique ! Instant légendaire ! Instant mystique !

Le Cap Nord, une aventure dans l'aventure

Nous passons du 30 juin au 1er juillet. Ce 1er juillet 2019, jour merveilleux, car après le soleil de minuit, ce cadeau inattendu dans un lieu mirifique va être suivi, dans quelques heures de la concrétisation d’un rêve. Mais, pour le moment, il faut récupérer un tant soit peu et nous partons nous coucher. La fatigue faisant son œuvre nous nous endormons rapidement. Mais ne voilà pas qu’une chaleur insupportable presque suffocante nous réveille. Le premier réflexe, quelle heure est-il ? Avec ce jour en continu et le soleil haut dans le ciel, nous ne savons plus où nous en sommes. Ma montre indique 4 h 30, je m’en frotte les yeux, ce n’est pas vrai ! La tente s’est métamorphosée en étuve, le soleil dardant ses rayons à transformer notre chambre à coucher en sauna. De l’air s’il vous plaît, j’ouvre la porte de l’abside, nous remplissons nos poumons de cet air frais, nous voici bien réveillés et souriants, nous nous levons.

Le Cap Nord, une aventure dans l'aventure

Est-ce l’atmosphère de l’île de Mageroya, ou le fait de savoir que nous gagnons le Cap Nord dans quelques heures ? En tout cas, nous avons acquis une condition physique olympique, car suite à l’étape d’hier, aucune courbature, nous sommes en grande forme et préparons sous les doux rayons de l’astre des cieux notre petit déjeuner. Cette énergie nous serait-elle offerte par le soleil ?

Petit déjeuner de rêve rien que par le lieu où nous nous trouvons. C’est un mariage, une union dont nous faisons partie intégrante entre les montagnes, la mer, la plage, les rochers et une multitude de petites plantes recouvrant les falaises. Celles-ci sont hautes d’au moins 100 mètres, le long desquels les oiseaux de mer mènent une danse incessante au son de leurs cris.

Enfin le Cap Nord

 

Nous reprenons la route très tôt et un panneau nous indique Cap Nord 45 kilomètres. J’ai encore du mal à croire que mon rêve est si proche. Après un tunnel de 4 km 440 bien plat, car il passe sous une montagne, nous arrivons à la ville de Hönningsvag qui accueille les 200 000 visiteurs du Cap Nord à l’année. Nous profitons de la ville pour nous ravitailler et effectuer une pause casse-croûte, l’émotion creuse l’appétit !

Nous enfourchons nos destriers qui grâce à la force de nos jarrets vont nous acheminer au point d’extrême nord de l’Europe. Pour atteindre un objectif, un but, cela se mérite et plus l’effort est important, plus le plaisir est grand ! Devant nous un raidillon de trois kilomètres à 9 % et nous arrivons sur un plateau désertique où seul le vent danse, tourne, saute comme il le souhaite. Une toundra, des petits lacs, des roches, de la neige, des rennes et une route. Celle-ci est vallonnée et le Cap Nord au loin joue à cache-cache avec nous. Chaque pore de ma peau veut s’imprégner de l’atmosphère. Tout voir, tout entendre, tout ressentir, tout capter et ne jamais oublier ! En cet instant, c’est ma devise.

Nous croisons un défilé de motos et de camping-cars, ils étaient nombreux à se bousculer hier soir sous le globe symbole du Cap Nord pour bénéficier du soleil de minuit. Il peut y avoir entre 200 à 300 personnes. Que nous étions bien tous les deux ! Les chauffeurs et passagers de tous ces véhicules nous klaxonnent, nous avons droit à de grands saluts, des pouces levés, des félicitations de toutes sortes. Certains s’arrêtent pour nous photographier, filmer, voire applaudir. Je ne sais plus si j’accède à mon rêve intime, arrivé au Cap Nord ou si je suis sur une étape du Tour de France. En quelques instants je suis transporté vers mon adolescence quand avec mon vélo de course, de couleur verte et de marque hirondelle, surnommée « Tintin hirondelle » ; je parcourais la route des vins, je gravissais le col du petit haut ou celui de Sainte-Marie-aux-Mines. Je me prenais pour Bahamontes, Anquetil ou Poulidor selon les batailles et les luttes retransmises sur les ondes des transistors que j’écoutais avec les copains dans une passion haletante.

Le Cap Nord, une aventure dans l'aventure

La réalité est encore plus majestueuse, je suis à quelques encablures du Cap Nord et voici ce que j’écrivais ce 1er juillet 2019 :

« je me délecte de chaque coup de pédale comme une danse orchestrée par la joie de me rapprocher de ce lieu idyllique, mes muscles sont souples et me permettent de gravir aisément les pentes. Montagnes, lacs, désert de lichen, neiges c’est le décor lunaire qui va nous mener au Cap Nord. Il faut ressentir la vie de ce plateau, c’est cette sensation qui le rend merveilleux et émouvant. »

Sur cette route, je suis à la fête, la fête du cœur qui réalise un rêve. La fête de la tête qui entend et apprécie ces motards et voyageurs qui nous respectent et sûrement admirent le sens de l’effort que nous avons. Encore, deux kilomètres à parcourir, le bâtiment touristique est là, juste devant nous ; une larme à essuyer au coin de l’œil, mon excitation est grande. Laetitia prend la pause sous le panneau Cap Nord et nous roulons quelque temps main dans la main. J’ai le sentiment d’avoir réalisé quelque chose d’extraordinaire. Pouvoir le partager avec ma compagne, communier cette épopée décuple, démultiplie l’émotion !

Nous contournons l’édifice et voici devant nous le globe et la mer qui mène à la banquise. Il n’y a pas de mots, le moment est intense et seul le silence à du sens.

Nous posons les vélos, un baiser, une congratulation, je monte quelques marches, je suis sous le globe, Laetitia me rejoint, c’est super ! Peu de monde, juste une famille d’Asiatiques avec qui nous partageons notre joie et quelques photos. Rencontre furtive, mais cocasse. Nous profitons pleinement du lieu et de l’instant. Une bonne bière finlandaise pour arroser le succès d’une victoire face à nous-mêmes !

Le Cap Nord, une aventure dans l'aventure

Regarder, observer, s’imprégner ! Nous avons parcouru 4432 kilomètres.

Et l’aventure continue jusqu’à Tarifa, encore beaucoup de kilomètres et d’émerveillement.

À bientôt pour de nouveaux récits.

Pascal

 

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Pascal Thibaulot, 69 ans sur les routes à vélo, à pied ou en camping-car depuis 4 ans. J'aime écrire et partager nos découvertes et sentiments. Avec mon épouse, le voyage à vélo nous a semblé une évidence et je propose quelques anecdotes mémorables. Notre blog : nos rêves de bohême

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