Admire Le Biclou

#AdmireLeBiclou : Générateur de joie

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#AdmireLeBiclou : Générateur de joie#AdmireLeBiclou : Générateur de joie#AdmireLeBiclou : Générateur de joieC’est un nouveau vélo. Il vient d’arriver et va bousculer les anciens de l’écurie. Il risque de faire des jaloux, car il est au centre de l’attention, ces jours passés. Apprentissage oblige. Le petit dernier est souvent le chouchou de la famille, malgré son caractère et ses écarts de conduite. Il est pardonné d’avance, au grand dam des aînés.
Et pourtant… Celui-ci ne se laisse pas aisément dompter, il est capricieux. Je suis dans la phase de l’apprivoisement, qui n’est pas facilitée par les années. À cette période de la vie, il paraît que l’on devient moins souple, moins agile, moins rapide. Et, si on se laisse aller, la condition physique empire ! Alors réagir est une nécessité, avec la volonté de ne pas s’enfermer dans les habitudes, la routine, la nostalgie de son histoire. Il faut avancer dans la découverte, stimuler son esprit et son corps. J’aime les défis, et parfois un peu les risques. C’est le prix à payer pour ne pas se retrouver assis sur son canapé à regarder Michel Drucker en mangeant des pop-corn.
Mark Twain - écrivain et humoriste américain - était fasciné par les nouvelles techniques. Il aimait expérimenter les innovations. Alors en 1884 il devint l’heureux propriétaire d’un Grand Bi. Il prit même douze heures de leçons avec un instructeur, assisté parfois de quatre personnes pour le maintenir en selle. Cette initiation lui sembla plus difficile que d'apprendre à monter à cheval. Voilà ce qu'il en dit :
« …quand c’est la première fois que vous entreprenez cela tout seul, vous avez peu de chance de réussir. Votre confiance s’éclipse, vous vous emplissez petit à petit d’une appréhension innommable, toutes vos fibres se tendent d’inquiétude, vous amorcez précautionneusement une courbe timide, mais vous avez les nerfs noués, pleins d’anxiété et d’électricité, et votre courbe tourne bien vite à un zigzag chaotique et périlleux. Et soudain votre cheval de nickel prend le mors aux dents et fonce en direction du trottoir, au mépris de toutes vos prières et de ce que vous tentez pour le faire changer d’idée… »*.
Sa conclusion est sans appel : « Procurez-vous une bicyclette. Vous ne le regretterez pas si vous survivez »*. Vous êtes prévenus.
Pourquoi suis-je arrivé à ce choix ? J’aime rouler différemment et démontrer qu’il y a tellement de manières de se déplacer sans moteur, sans polluer. Alors après le vélo couché, le vélo debout, il était temps de ménager de la place au vélo perché (mais il ne va pas remplacer les autres, juste compléter la collection !). Il me sera également utile pour mes expositions et conférences.
Ce type de monture avec une grande roue apparaît vers 1870, dans l’objectif de chercher à gagner de la vitesse sur deux roues. Il devient rapidement populaire auprès des sportifs et des amateurs de loisirs. Des courses sont alors organisées (c'est encore le cas aujourd’hui, surtout en Angleterre). Mais il n’a pas été adopté par une large population, en raison de sa difficulté d’utilisation et de son manque de sécurité. L’absence de roue libre (pédalier fixe sur la roue avant) nécessite de pédaler en permanence. Quant au frein, il est inexistant la plupart du temps : il faut anticiper. Mais c’est grisant de pédaler à cette hauteur et de ressentir un sentiment de liberté dangereuse… Quand on est lancé dans une descente, il n’y a qu’à enlever les pieds des pédales, laisser tourner le pédalier tout seul et simplement maintenir l’équilibre. Sans freins. On reste à la merci du moindre événement qui peut survenir sur la route (rassurez-vous, je viens maintenant d’installer un frein). Les Anglais les appelaient les « boneshakers » (secoueurs d’os), car rouler sur les routes de l’époque était une aventure en soi. Car les roues étaient en bois puis en métal, avant l’invention du pneu par Mr Dunlop.
Le Penny Farthing (son nom original en anglais) sera rapidement abandonné au profit de la bicyclette avec deux roues similaires et plus petites, après l'invention de la chaîne.
Le pin’s livré en cadeau avec mon Grand Bi par le fabricant Standard Highwheels est explicite. À côté du pictogramme, un slogan : « vélocipède pour les braves » !
Il y a un effet que je n’avais absolument pas imaginé et qui m’a amplement conforté dans le choix de ce vélo : il est un créateur de sourires et un générateur de joie. Quand je circule, le visage des personnes croisées s’illumine, elles se mettent soudainement à rigoler, à applaudir, à me montrer du doigt, voire à s’arrêter pour prendre des photos ou filmer, même en plein milieu de la route. Au risque de provoquer des ralentissements. Les enfants s’esclaffent, les adultes sourient, les jeunes lèvent le pouce, les anciens jettent un regard dubitatif quand la vision de ce vélo hors du temps s’offre à eux. Cet engouement est une vraie surprise. Je suis heureux que mon passage fugace les aide à s'évader un instant de leurs soucis quotidiens, du Covid, de la morosité ambiante. Je suis stupéfait et émerveillé par les réactions, quel que soit l’âge. Et tant pis si cette émotion n’est qu’éphémère. Elle aura illuminé la vie d’un inconnu le temps d’une parenthèse impromptue.
Et la mienne avec ! Ces réactions inédites m’obligent à sourire, à rester avenant. La joie me remplit, m’habite, m’élève. Cela me rappelle la parole de Jésus « Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir ».***
Ces réactions compensent très largement les quelques chutes dues à mon apprentissage en cours. Je ne regrette rien, au contraire.
Par ailleurs, vous l’avez remarqué, ce vélo est de couleur jaune. Choix esthétique, entre autres, au départ, il s'avère finalement loin d’être anodin : j’ai poussé un peu les recherches après coup, pour découvrir si la joie était symbolisée par une couleur spécifique. Et ma surprise a été totale : je viens de m’apercevoir que cette couleur emblématique du soleil signifie la joie (ainsi que la lumière et l’amitié) ! Ce n’est pas un hasard, ce Grand Bi remplit parfaitement son rôle sans l’avoir cherché. Une option dont je n’avais pas imaginé la portée.
« La joie porte en elle une puissance qui nous bouscule, nous envahit, nous fait goûter à la plénitude. La joie est une affirmation de la vie».**
Autre avantage : quand la route est peu fréquentée, ou sur les petits chemins de campagne, le voyage se déroule dans un calme inédit. Loin des 1000 pièces composant les vélos actuels, on se retrouve juché sur une machine à la mécanique minimaliste :
Oublié, le cliquetis frénétique du dérailleur
Terminé, le ronronnement parasite de la chaîne
Désuète, la manette protubérante des vitesses
Anachronique, la cassette de roue libre
Obsolète, l’outillage pour les crevaisons : les pneus sont pleins.
Restent juste quelques grincements dus aux ressorts de la selle. Il va vraiment falloir que je sévisse pour qu’ils ne perturbent plus cette quiétude.
Je savoure le silence, le bruit du vent qui caresse les blés naissants, le gazouillis des oiseaux qui redécouvrent le printemps. Et parfois le contact soudain et rugueux avec le sol me rappelle brutalement la sévère loi immuable de l’attraction terrestre, dans l’humilité de cette initiation.
De ces premières sorties, en dehors des croûtes et des bleus sur le corps, il me reste déjà un florilège de répliques mémorables
- M’sieur, on peut cabrer vot’vélo ?
(4 ados qui m‘ont accompagné dans la traversée de Romans)
- Mon pauv’ monsieur, on est en quelle année-là ? 1800 combien ?
(un pêcheur qui s’apprêtait à traverser la route)
- Bonjour, vous avez une belle vue de là-haut ?
(un cycliste qui me double en tirant une remorque)
- Il y a des éléphants derrière vous ?
(une jeune femme à VTT)
La joie est le passage de l'homme d'une moindre à une plus grande perfection. (Spinoza)
Alors si vous visez la perfection, roulez sur un Grand Bi !
*Dompter la bicyclette et autres déboires - Mark Twain - Ed du Sonneur
**La puissance de la joie - Frédéric Lenoir - Ed Fayard
*** La Bible – Actes 29:35
Bibliographie : En roue libre - David Le Breton - Ed Terre Urbain
 
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Mon activité professionnelle s’est déroulée dans le domaine de la production de gospel music (albums, concerts, festivals). En 2011, à 57 ans, malgré une vie professionnelle bien remplie et passionnante, je me suis lancé en parallèle dans des aventures sportives et solidaires et j’ai découvert que rien n’est impossible. Il suffit d’avoir des rêves, d’y croire et de se fixer un objectif. J’ai alors créé l’association Aventure en soliDaire.
J’ai eu le privilège de visiter près de 50 pays. J’anime maintenant régulièrement des conférences-projections sur mes aventures solidaires à vélo et à pied.

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  • Abrab Assor, le 02/07/2021 à 13h24
    Sympa. Et le casque est très bien choisi ! Tu avais déjà essayé le fixie avant de te mettre au Grand Bi ? Je vois pas de freins à l'avant. On peut en ajouter ?
    • Marc Brunet, à Abrab Assor, le 07/07/2021 à 11h00
      Merci. Non, jamais essayé le fixie. Les modeles originaux n'ont pas de freins. C'est toujours en option. Je l'ai rajouté par la suite, car il faut s'habituer, mais c'est quand même plus sécurisant... On doit pouvoir rajouter un frein à l'avant, car j'ai vu un gras parti faire le tour du monde qui en avait un.
  • Navdaouzek, le 26/06/2021 à 19h01
    Sympa l'article. J'ai bien aimé lire les répliques des personnes que tu as croisées sur ta route !
  • Erwan, le 22/06/2021 à 18h58
    Superbe !
    Superbe (et audacieuse) idée que de s'essayer au Grandi Bi. Et superbe prose, qui transmet brillamment la joie que tu décris.

    Je me souviens ma frustration en Cornouailles anglaises que les talus me cachent le paysage. Voilà le vélo qu'il m'aurait fallu !

    Qu'est-ce qu'on peut monter comme sacoches sur un Grand Bi ? Tu as un paquet sous la selle on dirait. (J'ai hâte que tu nous racontes tes sorties de bikepacking endiablé !)
    • Marc Brunet, à Erwan, le 07/07/2021 à 11h02
      Merci beaucoup.
      Effectivement, on est perché !
      La sacoche sous la selle est toute petite (20x5cm)
      Mon fils vient de me fabriquer un porte bagage, je vais l'installer à l'arrière pour accrocher 2 sacoches.