L'échappée belle (bivouac confiné)

L'échappée belle (bivouac confiné)
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Avril. Troisième confinement. Et les beaux jours qui font leur retour...
Comme plein de monde on comprend la nécessité de ces mesures sanitaires. Mais comme plein de monde on commence à étouffer ! On a besoin de s'aérer.

C'est quoi déjà les règles de ce nouveau confinement ?

  • Sorties de plein air : dans un rayon de 10Km, sans restriction de durée.
  • Couvre-feu : fin des déplacements à 19h. Mais rien ne stipule qu'à cette heure-là on doive se trouver chez soi.

Ma foi une petite sortie vélo-bivouac ne me paraît pas incompatible, et ne déroge pas au principe de distanciation sociale...

"Nathalie, ça te tente ?
(Nathalie n'a pas le même goût que moi pour les zones limites.)
— Tu crois ?
— Ben oui. Évidemment, si on se fait contrôler notre sort dépendra de l'humeur de l'agent, mais d'après moi on est dans les clous.
— Ça te ferait plaisir ?
— :)
— Bon, alors puisque ça te fait plaisir."

L'échappée belle (bivouac confiné)

Dans un rayon de dix kilomètres, il y a largement de quoi pédaler une journée. On a la chance d'habiter un très joli coin en plus ! avec une campagne pleine de charme, le bord de mer, et du patrimoine historique. Finalement, pour établir un parcours, je n'ai que l'embarras du choix. D'ailleurs on ne prévoit qu'un court circuit, histoire de vraiment se la couler douce.
Pour le bivouac, on se posera sur la pelouse d'une jolie chapelle, à l'orée des bois.

Juste une nuit de camping. On peut partir légers. On prépare notre repas à l'avance, si bien que notre nécessaire de cuisine se réduit une cafetière. Pas de changes. L'essentiel de la charge consistera en notre équipement de couchage.

Nathalie a du travail ce samedi-là. On ne part donc que dans l'après-midi, à une heure qui devrait nous permettre d'arriver au lieu de bivouac en temps voulu.
On est déjà pas des fusées d'ordinaire, mais ce coup-ci on prend vraiment le temps ! Pas de risque de casser une pédale !

Le premier objectif est celui de la boulangerie. Ce trajet-là on connaît bien !
Puis on emprunte de petites routes dans des coins où on va moins souvent. On tente un chemin de traverse : c'est bon, ça passe bien. On se dirige à présent vers une église du XVème siècle, sur laquelle des travaux de restauration sont prévus pour bientôt, auxquels j'espère pouvoir prendre part. On recharge notre eau à la fontaine de Saint Erwan !
De là on descend en un instant sur l'estuaire du Léguer. C'est marée montante : la rivière s'écoule à contre-sens. On la suit un moment, d'abord le long des rives où l'on extrayait jadis le sable, puis sur une promenade aménagée en sous-bois. (Là la rivière a son cours normal.)
Pause café dans un grand pré. Abrités du vent par les arbres, on profite à plein régime du beau soleil qui rayonne ce jour-là.

L'échappée belle (bivouac confiné)

Une piste en pente raide nous faire ressortir des bois le temps de traverser quelques hameaux pittoresques, puis on replonge dans la vallée. Des chemins qu'on n'avait jamais empruntés.
C'est très chouette. Un sentier qui sillonne entre les prés et les bois. Mais bientôt le sentier s'embroussaille. On ne peut plus pédaler, et mon petit doigt me dit qu'on va déboucher sur une propriété privée. On revient un peu sur nos pas, et on pousse les vélos dans une nouvelle côte abrupte.
Traversée d'un ruisseau : un gué charmant. On pourrait camper là, mais l'eau est-elle potable ? Continuons plutôt comme on a prévu.
Enfin si on y arrive... Car pour revenir sur la trace qu'on avait établie, nous voilà contraints d'emprunter le lit d'un ruisseau baveux. Rapidement, on ne peut à nouveau plus rester en selle, et on pousse les vélos dans une boue encore mal séchée. Un arbre couché sur le chemin : on se passe les vélos par-dessus. Encore deux arbres : on se passe les vélos par-dessous, à quatre pattes. Pourtant je le sais qu'il ne faut pas tester de nouveaux chemins quand on a les sacoches !
Bref, on finit par se sortir de ce pétrin ; un peu boueux, mais bien divertis !

D'ailleurs un nouveau divertissement s'offre à nous : avec tout le temps passé dans ces péripéties, nous voilà en retard pour nos impératifs. Il faut donner un coup d'accélérateur, et rejoindre au plus vite le bourg où on doit remplir nos gourdes, en prévision du bivouac.
Sur la place du village, une voiture de gendarmerie attend l'heure fatidique... Il est moins dix. Vite, les WC publics ! On refait les niveaux aussi promptement que possible. Avec ces lavabos minuscules, c'est pas évident !
Sept heures moins cinq, on quitte le bourg à toute allure, euphoriques. On croise une nouvelle voiture de gendarmes. On accélère encore. Dix-neuf heures : on serait sensées être à l'arrêt maintenant, mais sur les petites routes qu'on a atteintes, on devrait être à l'abri des contrôles. À chaque intersection, on emprunte une voie plus étroite, plus sécurisante ; quand soudain, au moment de nous engager sur les 200 mètres de chemin qui mènent à la chapelle, on tombe nez à nez sur une troisième voiture des bleus ! On passe têtes baissées. On échange un regard complice. On ne sait pas s'ils nous ont vus.

Que faire maintenant ? Eh bien ce qu'on a prévu, montons la tente. On est là parce qu'on pense que c'est permis. On va pas se cacher dans les bois comme des fugitifs !

On n'aura pas besoin d'expliquer notre interprétation de la loi ce soir là (ouf). Nous aurons une paix digne des espaces les plus sauvages. Pas même un promeneur, sur ce sentier balisé, à proximité d'un hameau.

À l'entrée des bois se trouve une fontaine ancienne où on lave nos molets crottés. Puis pour le dîner nous choisissons la vue sur un champ où paissent des chevaux. C'est une belle soirée, qu'une brise du nord raffraîchit au moment où le soleil disparaît derrière les arbres. Nous ne tardons pas à nous mettre sous la tente.
Un certain temps je prête l'oreille aux chants des oiseaux. Je prends la mesure de leur variété d'une espèce à l'autre, plus diverse et contrastée encore que les langues humaines.
Et progressivement mes pensées deviennent confuses ; tel Tchouang-Tseu, je ne sais plus très bien si je suis Erwan rêvant qu'il est oiseau, ou l'oiseau rêvant qu'il est un homme. Mais qu'importent ces ambiguïtés, car le sommeil du juste s'empare du possiblement-hors-la-loi.

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Après cinq ans passés au Proche-Orient et en Amérique Centrale, je suis venu au vélo par intérêt pour le voyage. D’abord un tour en ma Bretagne natale, puis quelques équipées sur des terrains plus relevés, et bientôt je partais pour six mois de route entre Asie du Sud-Est et Asie Centrale.
Il m’est difficile à présent de concevoir un voyage sur un autre mode ; et pour toutes mes vacances ou presque, ainsi qu’un certain nombre de mes week-ends, je charge le matériel de camping pour une échappée vélocipédique au grand air, au pas de ma porte ou au bout du monde.

Informaticien à mes heures perdues, je suis également le développeur-éditeur-modérateur-dictateur de ce site, et du planificateur de voyages Talaria.

Enfin, ma dernière lubie en date est de fabriquer des vélos sur mesure.

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  • JessicaB, le 16/06/2021 à 17h21
    Sympa comme récit :)

    Jessica du Finistère Nord ^^
    • Erwan, à JessicaB, le 16/06/2021 à 18h51
      Sympa aussi ton image de profil ! Caustique ! :)
      • JessicaB, à Erwan, le 16/06/2021 à 20h27
        Vivi j'adore l'humour noir ^^

        J'en ai une autre où c'est une petite fille qui se balance, sa balançoire est sur une branche d'arbre, elle tient une ficelle qui est reliée à un pendu qui du coup se balance avec elle ^^